Ken et Yuna arrivèrent devant la porte de l'appartement de celle-ci. Elle l'ouvrit puis s'engagea dans son domicile avant de refermer l'ouverture après que Ken ait passé. Celui-ci ne la regarda pas puis alla s'asseoir de lui-même sur un fauteuil du salon. Il regardait le sol. Le sang qui perlait encore de son nez et qui coulait le long de ses lèvres et de son menton tombait goutte à goutte sur son haut noir. Jamais il n'avait ressenti une telle... sensation... une telle émotion depuis qu'il avait quitté ce quartier mal famé où il avait dû se battre pour survivre, pour défendre sa famille, où il avait vu et vécu les mêmes douleurs que la drogue, la violence, les mauvaises histoires d'aggressions, de traumatismes, de guerres des gangs. Les immeubles en feu, les fenêtres brisées, les voîtures explosées, les coups de couteaux volant de partout revenaient encore dans sa tête à ce moment précis.
Si la prof d'espagnole ne s'était pas interposée, il ne savait pas s'il aurait fini par commettre une erreur grave en blessant gravement ce "Mathieu" qu'il ne connaissait même pas. Le souvenir de la foule qui s'était réunie autour de lui en le fixant comme un bête en cage l'empêchait de se concentrer, de réfléchir et de repenser à ce qu'il avait vécu aujourd'hui.
Non seulement il avait accepté d'accompagner sa collègue en ville, l'avait suivie dans un café pour qu'elle puisse avoir son rendez-vous avec un inconnu, puis elle avait dû faire des choses étranges avec ce bonhomme avant de le lacher. C'est ensuite à cet instant que ce fou furieux avait hurlé un mot comme "baston", un mot si puéril, un acte si immature, si dénué d'intelligence, en le chargeant.
Ken s'adressa alors à Yuna sans prendre la peine de la regarder.
- Il était plutôt "beau" comme mec n'est-ce pas ? Je suis sûr que tu n'as pas dû rater l'occasion de lui laisser une chance de t'embrasser... Bien sûr, je suis aussi certain que tu as dû lui laisser en plan... Pas besoin de réfléchir s'il a eu le coeur brisé ou non. Tout ce que tu as fait était de profiter de lui, de le lâcher puis de t'en aller comme ça avec moi tout en sachant qu'il te verrait bien avec moi et qu'il serait énervé. Ca, c'était prévisible, rien qu'à lire cette fameuse lettre anonyme.
Le ton que prenait Ken était froid. Il ne savait toujours pas s'il devait pardonner ou non Yuna d'avoir accepté ce rendez-vous et aussi de s'être laissée faire avant de lacher ce Mathieu. Ce dernier n'aurait sans doute pas engagé la bagarre avec Ken si Yuna était sûre et certaine de ses sentiments.